Cahier FdD - 22/01/2025
Texte du Nouveau Testament - L'escroquerie et la foi - Une fusée explose
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Bonjour cher lecteur,
La semaine dernière, Joël, notre deuxième fils, a commencé à porter des lunettes. Il en est très content tandis que sa sœur Madeleine est désespérément jalouse.
Le rendez-vous chez l’ophtalmologue était un peu difficile de vivre comme spectateur. Joël est plutôt timide et parle en voix basse, et il ne communiquait pas très clairement ce qu’il pouvait voir. De son côté, l’infirmière ophtalmologique était assez pressée et ne savait pas travailler patiemment avec lui. Et moi, je ne pouvait rien sauf regarder mal à l’aise. La scène a souligné avec force le fait curieux que la seule façon que nous avons pour déterminer la bonne puissance des lunettes est pour le patient d’en tester plusieurs possibilités et de dire avec laquelle il voit le mieux. Nous n’avons pas (apparemment) d’instrument qui peut mesurer la déformation de l’œil pour déterminer la bonne puissance.
Comme nous utilisons souvent l’analogie des lunettes pour parler des visions du monde, c’est intéressant de remarquer que c’est pareil pour la comparaison des visions du monde. On ne peut pas déterminer quelle est la bonne vision du monde en se mettant sur quelque terrain neutre en dehors de toutes les visions du monde pour les examiner de l’extérieur. Ce terrain neutre n’existe pas et nous ne pouvons rien regarder sans que ça passe à travers quelque vision du monde. Pour tester une vision du monde, la vision du monde chrétienne par exemple, il faut mettre les lunettes et regarder le monde à travers cette vision du monde pour voir si les choses deviennent plus claires ou plus floues. C’est comme l’a dit C.S. Lewis : « Je crois au christianisme comme je crois que le soleil s'est levé, non seulement parce que je le vois, mais parce que par lui je vois tout le reste, » ce qui est la conclusion d’un paragraphe qui vaut vraiment la peine d’être lu en entier :
On m'a appris à l'école, lorsque j'avais fait une somme, à « prouver ma réponse ». La preuve ou la vérification de ma réponse chrétienne à la somme cosmique est la suivante. Lorsque j'accepte la théologie, je peux rencontrer des difficultés, sur tel ou tel point, pour l'harmoniser avec certaines vérités particulières qui sont ancrées dans la cosmologie mythique dérivée de la science. Mais je peux faire rentrer, ou trouver place pour, la science dans son ensemble. Si l'on admet que la Raison est antérieure à la matière et que la lumière de cette Raison primitive illumine les esprits finis, je peux comprendre que les hommes en viennent, par observation et déduction, à connaître beaucoup de choses sur l'univers dans lequel ils vivent. Si, en revanche, j'avale la cosmologie scientifique dans son ensemble, alors non seulement je ne peux pas y intégrer le christianisme, mais je ne peux même pas y intégrer la science. Si les esprits humains dépendent entièrement des cerveaux, et les cerveaux de la biochimie, et la biochimie (à long terme) du flux des atomes dénué de sens, je ne peux pas comprendre comment la pensée de ces esprits devrait avoir plus de signification que le bruit du vent dans les arbres. Et c'est pour moi le test final. C'est ainsi que je distingue le rêve de l'éveil. Lorsque je suis éveillé, je peux, dans une certaine mesure, expliquer et étudier mon rêve. Le dragon qui m'a poursuivi la nuit dernière peut être intégré dans mon monde éveillé. Je sais que les rêves existent ; je sais que j'ai mangé un repas indigeste ; je sais qu'un homme qui lit les livres que j’aime pourrait rêver de dragons. Mais pendant que j'étais dans le cauchemar, je n'aurais pas pu rendre compte de mon expérience éveillée. Le monde de l'éveil est jugé plus réel parce qu'il peut ainsi contenir le monde du rêve ; le monde du rêve est jugé moins réel parce qu'il ne peut pas contenir le monde de l'éveil. Pour la même raison, je suis certain qu'en passant des points de vue scientifiques aux points de vue théologiques, je suis passé du rêve à l'éveil. La théologie chrétienne peut rendre compte de la science, de l'art, de la morale et des religions sub-chrétiennes. Le point de vue scientifique ne peut rendre compte d’aucune de ces choses, pas même la science elle-même. Je crois au christianisme comme je crois que le soleil s'est levé, non seulement parce que je le vois, mais parce que par lui je vois tout le reste.1
Le texte du Nouveau Testament
Comparaison d’un texte précis dans deux manuscrits anciens
Une partie de la conférence que je prépare sur la Bible est bien sûr la question sur la fiabilité du texte du Nouveau Testament. Un souci pour moi est donner, en peu de temps, une appréciation juste de ce que nous avons dans la tradition manuscrite du Nouveau Testament. Il est possible d’exagérer des deux côtés, soit de donner l’impression que le texte est douteux en générale, soit de donner l’impression que les variantes qui existent n’ont aucune importance. L’idée que j’ai eu pour cette présentation est de donner un exemple concret en faisant la comparaison de deux manuscrits précis sur quelques versets. Parce que je voulais avoir, quand même une variante vraiment significative, j’ai choisi Jean 1.14-18 et les manuscrits de Sinaiticus (4e après J.C.) et Alexandrinus (5e).
Voici les deux manuscrits :
Et voici la comparaison :
Les différences en jaune sont des différence d’orthographe. Alors en Alexandrinus nous avons une forme abrégée du mot patros (père), tandis qu’en Sinaiticus nous avons le mot entier. Et le scribe de Sinaiticus épelait le nom Moïse : Moüsseos, et non Mosseos comme le scribe d’Alexandrinus.
Les différences en rouge sont des vrais différences au niveau des mots, mais comme vous pouvez voir dans les traductions ci-dessous, la différence de sens apportée par la plupart de ces variantes et vraiment minimale.
Sinaiticus :
(15) Jean témoigne à son sujet et il a crié : celui-ci est celui qui vient après moi. Lui est devenu devant moi (plus grand que moi) parce qu’il était (existait) avant moi.
(16)Parce que, de sa plénitude nous avons tous reçu aussi grâce contre grâce.
(17)Parce que la loi a été donné à travers Moïse. La grâce et la vérité étaient à travers Jésus.
(18) Personne n’a jamais contemplé Dieu ; le Dieu seul-engendré dans le sein du Père, celui-là l’a révélé.
Alexandrinus :
(15) Jean témoigne à son sujet et il a crié, disant : celui-ci est celui dont j’ai dit : celui qui vient après moi est devenu devant moi (plus grand que moi) parce qu’il était (existait) avant moi.
(16) Et, de sa plénitude nous avons tous reçu aussi grâce contre grâce.
(17) Parce que la loi a été donné à travers Moïse. La grâce et la vérité étaient à travers Jésus Christ.
(18) Personne n’a jamais contemplé Dieu ; le Fils seul-engendré qui est dans le sein du Père, celui-là l’a révélé.
Je pense que cet exemple est assez représentatif pour le texte du Nouveau Testament et les variantes qui existent. Elles sont vraiment nombreuses (7 variantes entre deux manuscrits sur 5 versets, sans compter l’orthographe), mais très rare est la variante qui change vraiment le sens du texte. Du coup, pour la grande majorité des variantes il est assez clair quel texte est l’originel une fois qu’on a comparé tous les manuscrits que nous possédons (des centaines pour chaque verset du Nouveau Testament !).
Une tentative d’escroquerie
Combien la foi nous est naturelle
Cette semaine j’ai reçu un appel d’un homme qui voulait m’avertir qu’il y eu des transactions suspectes sur mon compte. Il voulait donc m’aider à sécuriser ce compte contre la fraude. Bien sûr j’étais méfiant dès le début, mais le fait qu’il savait mon nom et mon numéro de compte donnait un air de plausibilité. Mais comme la discussion continuait, j’ai pu reconnaître son insistance qu’il fallait agir immédiatement comme une tactique des arnaqueurs, et quand sa proposition pour la sécurisation de mon compte nécessitait que je fasse un virement vers un IBAN qu’il m’allait donner… « Dieu voit ce que vous faites, » je lui ai dit et c’était la fin de la conversation.
Cette expérience souligne combien la foi est un aspect profond de la nature humaine. Selon Geerhardus Vos, la foi est « l’acceptation d’une proposition comme vraie par laquelle nous ne nous reposons pas sur nous-mêmes mais sur le témoignage d'autrui. » Par le dessein de Dieu, nous les êtres-humains sommes disposés à croire les uns les autres. Si je parle avec un inconnu dans le bus qui me dit son nom, sa profession, le nombre de ses enfants, etc., ma réponse naturelle est d’accepter ce qu’il dit comme vrai. Moi, j’ai pu échapper à cette tentative d’escroquerie, mais s’il l’a tenté, c’est parce que ça réussit bien trop souvent. Malgré l’étrangeté de la procédure proposée pour « sécuriser le compte, » le fait que nous croyons naturellement ce qu’on lui dit fait en sorte que les gens soient trompés.
Je ne veut pas dire que cette disposition à croire est une mauvaise chose. Ce qui est mauvais et la méchanceté des hommes qui abusent la confiance des autres, et cette méchanceté rend nécessaire que notre foi soit accompagné de discernement. Mais la foi en elle-même est non seulement belle mais aussi absolument nécessaire pour l’existence humaine. Vos continue :
Avec un peu de réflexion, on se rendra compte que toute notre société humaine, toute la communion spirituelle avec les autres et, de loin, la plus grande partie de notre pensée et de notre action reposent sur la foi. La foi est la chaîne et la trame du tissu de la vie humaine. Sans la foi, personne ne peut exister dans la société. La vie est un vaste océan dont seule une petite partie se trouve à notre portée, et cette petite partie est presque sans cesse imprégnée de ce que nous ne pouvons savoir que par la foi. […] La coopération avec les autres serait totalement impossible si Dieu ne nous avait pas donné la capacité d'accepter comme vrai le témoignage d'autrui et de nous y fier, s'Il n'avait pas tellement limité la tromperie inhérente à la nature de tous les hommes, du moins dans son aspect extérieur, qu'une réalité corresponde à cette foi. Même si notre confiance est souvent déçue, sans la foi nous ne pouvons pas vivre, et chaque jour nous faisons plus ou moins confiance à la plupart des personnes avec lesquelles nous sommes en contact2.
À mon avis, ces observations de Vos explose la mythe que nous pouvons nous en passer de la foi pour ne plus penser que ce que nous vérifions empiriquement. Nous sommes dépendants les uns les autres pour avoir une conception minimale du monde réel, et si nous sommes contraints de croire les uns les autres, devons-nous considérer que c’est étrange si Dieu s’attend à ce que nous exercions cette foi envers lui aussi ?
Lectures
Terminé : Did Adam and Eve Exist? par C. John Collins. J’ai apprécié la façon qu’il a argumenté que la grande histoire du salut dans la Bible dépend de la réalité historique d’un homme à l’origine de la race humaine dont la rébellion a des conséquences pour nous tous. Son souci d’intégrer le récit biblique dans la compréhension séculaire de l’origine de l’humanité sera moins intéressant pour ceux qui considèrent déjà que cette compréhension séculaire dépend plus des présupposés anti-bibliques que de preuves scientifiques.
J'ai l'habitude de lire des spécialistes de la Bible qui sont sceptiques quant à la possibilité que tel ou tel passage biblique soit réellement historique ; c'est donc comme un vent vif et rafraichissant de lire chez ces étudiants de l'ancien Proche-Orient un respect pour la base historique de leurs sources. Pour eux, il est parfaitement raisonnable d'affirmer que « les premiers récits de déluge n'étaient pas simplement de vagues échos de catastrophes naturelles, mais des légendes liées à un événement précis, un déluge catastrophique qui s'est produit, sinon à l'époque historique, du moins à l'époque préhistorique »3.
Beauty is Your Destiny, Philip Ryken
Remaking the World: How 1776 Created the Post-Christian West, Andrew Wilson
Robinson Crusoe, Daniel Defoe
L’espace
Jeudi était un jour remarquable pour le vol spatial avec les lancements de la toute première fusée New Glenn de Blue Origin et le Starship 7 de SpaceX. New Glenn a atteint l’orbite, ce qui est un accomplissement extraordinaire pour le premier vol d’une fusée. Pour sa part SpaceX a réussi pour la deuxième fois de rattraper le premier étage de Starship. L’explosion du deuxième étage, par contre, n’était ce qu’ils voulaient, mais ils affirment qu’ils ont déjà repéré le problème.
Lancement de New Glenn. Photo de NASASpaceflight.com
Tes œuvres sont admirables, et je le reconnais bien.
Psaume 139.14
Lewis, C. S. Weight of Glory, HarperCollins Kindle Edition, p. 138
Vos, Geerhardus. Reformed Dogmatics. Edited & translated by Richard B. Gaffin Jr., vol. 4, Lexham Press, 2012–2016, p. 89.
Collins, C. John. Did Adam and Eve Really Exist? Who They Were and Why You Should Care. Wheaton: Crossway, 2011, p. 164.