Comment la Bible répondrait-elle au bac de philo ?
Je suis sûr que l’on a cité Platon, Descartes, Camus et probablement Bono aussi dans les copies du bac de philo cette année, mais quelle sagesse pourrions-nous trouver dans la Bible pour répondre aux sujets proposés ? Moïse, Paul et Jésus, n’auraient-ils pas quelque chose à nous enseigner ?
Les pratiques artistiques transforment-elles le monde ?
L’artiste originel dans la Bible est Dieu lui-même. Tout l’univers et tout ce qui se trouve est son œuvre, du ciel plein d’étoiles aux fleurs du champ, des papillons délicates aux Alpes majestueux. C’est lui le premier de travailler avec la couleur, l’espace, la texture, la lumière, la forme, la juxtaposition… À la fin de son travail, Dieu regarde ce qu’il a fait, et prononce que c’est « très bon. » Le mot « bon » en hébreu est טוב (tov), ce qui peut aussi porter le sens de « beau » (eg. Gen 24.15, 1 Sa 9.2, 2 Sa 11.2, Da 1.4).
Dieu lui-même est beau (Ps 27.4) et la source de toute beauté. La beauté qui existe dans la création lui rend témoignage et le glorifie.
Le ciel raconte la gloire de Dieu et l’étendue révèle l’œuvre de ses mains. (Ps 19.2)
Je te loue de ce que je suis une créature si merveilleuse. Tes œuvres sont admirables, et je le reconnais bien. (Ps 139.14)
L’homme, fait à l’image de Dieu, imite son créateur par sa propre créativité. Comme Dieu a fait de belles choses pour y prendre plaisir, l’homme fait ses œuvres artistiques, remplissant le monde avec beauté. Alors nous trouvons dans la Bible des réferences aux arts visuels (Ex 31.1-11), ainsi que des textes poétiques et musicales.
Malheureusement, l’homme ne fait pas que ce qui est beau. Depuis la rébellion d’Adam et Ève contre Dieu, l’homme est pécheur et vit dans un monde maudit à cause de la Chute. C’est pour cette raison qu’il y a tant de laideur – de mal, de corruption, de mort. Mais c’est dans cette situation que Dieu est en train d’opérer une re-création. La corruption introduite par l’homme infidèle trouve son renversement dans Jésus, l’homme fidèle, tête de la nouvelle humanité (cf. Rom 5.12-21, 8.19-25).
Comme la beauté glorifie le Dieu qui en est la source, quand nous faisons de belles choses, nous participons dans le projet de Dieu de la re-création. Alors que la laideur témoigne de notre révolte, la beauté fait echo de la gloire de Dieu et annonce le monde à venir. Dieu est l’auteur de la transformation du monde, et tant que l’homme retrouve sa vocation de créer la beauté en imitation de Dieu, il participe, lui aussi, à cette transformation.
Revient-il à l’État de décider de ce qui est juste ?
Dans la Torah, la loi donnée à Israël par Dieu à travers Moïse, en Deutéronome 17, nous trouvons un passage qui explicite la relation entre le roi d’Israël et la loi:
Quand il montera sur son trône royal, il écrira pour lui, dans un livre, une copie de cette loi qu’il prendra auprès des prêtres, les Lévites. Il devra l’avoir avec lui et y lire tous les jours de sa vie, afin d’apprendre à craindre l’Eternel, son Dieu, à respecter et à mettre en pratique toutes les paroles de cette loi et toutes ces prescriptions, afin que son cœur ne s’élève pas au-dessus de ses frères et qu’il ne s’écarte ni à droite ni à gauche de ces commandements, afin qu’il vive longtemps dans son royaume, au milieu d’Israël, lui et ses enfants.
Dt 17.18-20
Cette idée que le roi est sous la loi aussi bien que le reste du peuple est l’une des façons par laquelles cette loi se distingue des autres codes du Proche-Orient Ancien. Ce n’est pas le roi qui décide ce qui est just ; c’est Dieu, et le roi n’est que son lieutenant pour appliquer la loi décrite par Dieu.
Alors que la situation du royaume d’Israël comme théocratie réglée par une loi directement de la bouche de Dieu est unique, le principe est valable pour tout gouvernement qu’il doit son autorité ultimemment à Dieu, et qu’il est responsable à Dieu d’appliquer la justice selon la loi morale universelle de Dieu. « Car toute autorité vient de Dieu, et celles qui existent ont été établies par Dieu […] il est serviteur de Dieu pour manifester sa colère en punissant celui qui fait le mal » (Rom 13.1, 4).
C’est pour cette raison que certains personnages dans la Bible sont approuvés pour avoir résisté au gouvernement par crainte de Dieu (Ex 1, Dan 3, Act 4). Quand le council juif essaie à interdire aux apôtres de prêcher Jesus, ils répondent : « Est-il juste, devant Dieu, de vous écouter, vous, plutôt que Dieu? Jugez-en vous-mêmes » (Act 4.19). Les états opèrent une justice limitée et imparfaite sur terre pour rendre possible la société humaine, mais c’est devant Dieu finalement que tout homme se tiendra qu’il soit paysan ou roi, et à ce moment-là personne n’imaginera que c’est aux hommes de décider ce qui est juste.
La liberté consiste-t-elle à n’obéir à personne ?
Quand Dieu envoie Moïse pour libérer Israël de son esclavage en Egypte, il lui donne ce message pour le pharaon : « Voici ce que dit l’Eternel: Israël est mon fils aîné. Je t’ordonne de laisser partir mon fils pour qu’il me serve » (Ex 4.22-23). Pour Israël, la liberté n’est pas de ne plus servir personne, mais il est libéré de son service au pharaon pour pouvoir servir Dieu. De la même façon, Jésus dit à certaines personnes qui auraient cru en lui : « Si vous demeurez dans ma parole, vous êtes vraiment mes disciples, vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres » (Jn 8.31-32). Quand ils protestent qu’ils ne sont pas des esclaves et n’ont pas besoin d’être libérés, Jésus précise, « Toute personne qui commet le péché est esclave du péché » (Jn 8.34). Une fois encore, la liberté pour les esclaves du péché implique un autre maitre, Jésus, dont on doit demeurer dans la parole.
Donc l’idée biblique de la liberté n’est pas de ne pas avoir un maitre, mais de ne pas avoir un maitre impropre. Le pharaon n’était pas le maitre légitime d’Israël et le servir était l’esclavage, alors que servir Yahweh était la liberté parce qu’il était leur Dieu. De même, c’est contre nature que l’homme soit soumis au péché, mais il est libre lorsqu’il sert Jésus, le chef de l’humanité designé par Dieu.
On peut être tenté à imaginer que l’on serait encore plus libre si on n’avait aucun maitre. Mais un homme libéré de Dieu est comme un nourrisson libéré de sa maman ou un poisson libéré de l’eau. Nous n’avons pas été créés pour être indépendants de Dieu, et séparés de lui, nous ne pouvons pas vivre réellement. Donc la vraie liberté est de vivre pleinement dans le Dieu qui nous a créés pour que nous trouvions notre bonheur dans son amour infini.
Est-il juste de défendre ses droits par tous les moyens ?
La Bible est très clair dans sa condemnation de ceux qui méprisent les droits des autres et oppriment les vulnérables dans la société (Ex 22.22, Ps 94.6). Elle est également claire sur l’obligation des autorités dans la société de défendre ces mêmes vulnérables (Dt 24.17, És 1.17). Par contre, ceux qui sont opprimés ne sont pas autorisés à mettre terme à l’oppression par tous les moyens. Ils sont plutôt encouragés à porter plainte à Dieu et à souffrir patiemment. Le psaumiste affirme, « Le père des orphelins, le défenseur des veuves, c’est Dieu dans sa sainte demeure, » (Ps 68.6) et Pierre encourage les fidèles :
Ainsi, que ceux qui souffrent selon la volonté de Dieu s’en remettent à lui comme au fidèle Créateur, en faisant ce qui est bien […] Après que vous aurez souffert un peu de temps, il vous rétablira lui-même, vous affermira, vous fortifiera, vous rendra inébranlables.
1 Pi 4.19, 5.10
Cette patience face à l’injustice est possible pour deux raisons (au moins). La première est que notre existence n’est pas limitée à cette vie terrestre. Toutes les experiences dans ce monde, qu’elles soient bonnes ou mauvaises, ont une durée très limitées, et une importance bien rélativisées face à l’éternité. Alors Jésus dit, « Ne vous amassez pas des trésors sur la terre, où les mites et la rouille détruisent et où les voleurs percent les murs pour voler, mais amassez-vous des trésors dans le ciel, où les mites et la rouille ne détruisent pas et où les voleurs ne peuvent pas percer les murs ni voler ! » (Mt 6.19-20).
La deuxième raison pour laquelle il est possible de supporter l’injustice de ce monde est que nous suivons ainsi l’exemple de Jésus Christ, comme Pierre nous explique :
En effet, il vaut mieux souffrir, si telle est la volonté de Dieu, en faisant le bien qu’en faisant le mal. Christ aussi a souffert, et ce une fois pour toutes, pour les péchés. Lui le juste, il a souffert pour des injustes afin de vous conduire à Dieu. Il a souffert une mort humaine, mais il a été rendu à la vie par l’Esprit.
1 Pi 3.17-18
Si Jésus qui était Fils de Dieu a pu accepter une telle souffrance en faisant confiance à son Père, nous qui sommes ses disciples, nous pouvons souffrir à notre tour, attendant le jour inévitable où Dieu tiendra sa promesse et interviendra pour nous.