Il n’y aurait pas de moralité
L’idée de la moralité est qu’il y a un standard de comportement pour des personnes qui peut ne pas correspondre à leur comportement réel. Cette notion qui est tout à fait naturelle pour les humains est bizarre pour la science. La science parle de ce qui est, de ce qui était, et même de ce qui sera, mais jamais de ce qui devrait être. D’où vient le concept, donc, de « devoir » ?
Une explication offerte est que la moralité est une conséquence de notre évolution. Alors c’est un phénomène psychologique qui crée une société qui favorise la survie et la reproduction. Le problème avec cette réponse est qu’elle ne répond pas à la question. Même si c’est vrai (on peut facilement en douter), ça n’explique pas le devoir lui-même, mais seulement pourquoi les gens agissent comme s’il y a un devoir. Ça parle toujours de ce qui est et non de ce qui devrait être. Si la moralité n’est pas plus que ça, c’est une fiction psychologique. Le devoir n’est pas réel, ce n’est qu’un artefact illusoire de la sélection naturelle.
Certains ont pris cette conclusion, acceptant que la moralité n’est pas réelle, mais cette conclusion est invivable, et irrationnelle. Elle est invivable parce que personne ne peut cesser de vivre comme s’il y a une moralité objective et absolue. Même si on dit que la moralité est une illusion, on ne peut pas pourtant supporter que les enfants soient maltraités. Nous savons que c’est un mal, et nous ne pouvons pas prétendre que nous ne le savons pas. Du coup, cette conclusion est irrationnelle parce que notre sens inné de la moralité est aussi fort sinon plus fort que notre sens inné de la raison. Si la moralité est une illusion, pourquoi pas la raison aussi ? Mais si la raison est suspect, tous nos raisonnements sur la moralité n’ont aucun valeur.
Il existe d’autres tentatives d’expliquer la moralité, mais aucune ne fournit un fondement satisfaisant pour le devoir. D’où vient le standard qui critique, de façon objective, le comportement réel des personnes ?
Il n’y aurait pas de science
L’idée de la science est que nous pouvons découvrir les principes du fonctionnement de l’univers par les moyens de l’expérience et l’observation. Nous en sommes tous convaincus, mais cette idée de la science dépend de certains présupposés. L’un de ces présupposés est la fiabilité générale de nos sens. C’est vrai que, de temps en temps, ce que nous voyons n’est pas réel, les mirages par exemple. Mais si ça nous arrivait constamment au point où nos yeux nous trompaient la moitié du temps, la science serait impossible parce que nous n’aurions pas la possibilité de faire les observations fiables.
Un autre présuppose pour la science est la capacité du cerveau humain de raisonner correctement sur les données acquises par les expériences. Les meilleures données du monde ne serviront à rien si on n’a pas la capacité de bien les interpréter. Et c’est bon de poser la question si le cerveau humain a réellement cette capacité. Si le cerveau est purement matériel et le fruit d’un processus d’évolution guidé par la selection naturelle, est-il raisonnable de croire qu’un tel cerveau peut raisonner ?
Le premier problème est que la selection naturelle n’a pas comme « objective » de former un cerveau doué en mathématiques et physique théorique. Pour réussir la selection naturelle, un cerveau doit pouvoir transformer les signaux venant des cinq sens, en gestes qui mèneront à la survie et, surtout, à une descendance. Ce n’est pas du tout clair que les « raisonnements » d’un tel cerveau auraient le moindre valeur.
Il existe, par exemples, des logiciels conçus pour jouer au jeu de dames, dont certains conçus par un processus inspiré par la selection naturelle. Ces logiciels sont performants pour la tâche pour laquelle ils ont été conçus - gagner les parties du jeu de dames, mais ils n’ont pas pourtant une capacité de raisonnement générale. Pour toute autre tâche, jeu d’échecs par exemple, ils sont totalement incompétents. De la même façon, un cerveau humain « entrainé » sur une tâche, la survie, n’aurait pas de compétence pour d’autres tâches, comme la science.
Le deuxième problème est qu’un cerveau qui est purement matériel ne peut pas réellement raisonner. Le raisonnement dépend de la distinction entre vrai et faux, mais les concepts de vérité et fausseté sont immatériels et ne s’appliquent pas au monde matériel. Une réaction chimique n’est ni vrai, ni faux, c’est simplement un événement qui se passe. Et si l’activité du cerveau se réduit à des réactions chimiques, cette activité n’a pas les qualités nécessaires pour être appelé raisonnement. Il y a activité et mouvement, mais cette activité chimique ne porte pas plus de sens que des réactions chimiques dans un laboratoire.
Il n’y aurait rien
Pour des raisons philosophiques ainsi que scientifiques, il y a généralement consensus aujourd’hui que l’univers a eu un début. Ce fait entraine la nécessité que l’univers a eu une cause, parce que rien ne commence à exister sans avoir été causé par quelque chose d’autre. Ce qui est intéressant est que nous pouvons déduire certains caractéristiques de cette cause par le simple fait qu’elle est à l’origine de l’univers. Premièrement, parce que le temps et l’espace ont commencé à exister avec l’univers dont ils font partie, la cause de l’univers doit exister « hors » du temps et de l’espace. Deuxièmement, pour créer un univers avec tant d’énergie et de matière, elle doit être incroyablement puissante. Troisièmement, elle doit avoir une volonté. La cause ultime de l’univers ne peut pas avoir été elle-même causée (sinon elle n’est pas la cause ultime). Alors, pour produire un effet sans être causé par quelque chose d’autre, il faut avoir une volonté et la capacité de prendre des décisions.
C’est vrai qu’à travers ce raisonnement seul on ne peut pas conclure que la cause de l’univers est le Dieu trine de la Bible, mais tout le même, quand on parle d’un être personnelle (avec une volonté) de puissance illimité qui est hors de l’espace et du temps, il y a un mot en français pour cet être, et ce mot est « Dieu. »
Certains vont objecter que si l’univers a besoin d’une cause, qu’est-ce qui a causé Dieu. Au contraire, l’argument n’est pas que tout a besoin d’une cause, mais simplement que tout ce qui commence à exister a besoin d’avoir été causé. Comme la cause de l’univers est en dehors du temps, elle ne peut pas avoir commencé à exister, et donc elle n’a pas besoin d’une cause pour expliquer son existence.
D’autres objections tournent autour des speculations sur un multivers ou un autre concept similaire. Quelque soit la plausibilité de ces propositions, elles ne changent pas l’essence de l’argument. Si l’univers a été causé par un multivers, il faut trouver la cause du multivers, et on peut suivre exactement le même raisonnement comme avant.
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