Bonjour chers lecteurs,
La semaine dernière j’ai eu une réunion très encourageante avec un ami qui se passionne aussi pour l’apologétique chrétienne auprès des étudiants. En plus, il sait mieux que moi comment faire bouger des choses de façon pratique, et nous avons discuté plein d’idées pour l’année prochaine. Je serais reconnaissant pour vos prières que ces efforts soient fructueux ; il y a vraiment beaucoup d’étudiants à Aix, et très peu qui connaissent le Seigneur. C’est un terrain dur, mais rien ne peut empêcher le Saint Esprit de faire germer l’annonce de l’Évangile.
Du coup, mardi prochain je suis invité pour parler sur le thème de l’inspiration de l’Écriture avec un groupe d’étudiants. Vous pouvez prier pour cela aussi, pour ma préparation et pour les personnes qui seront là.
Lorsque vous priez, intercédez en même temps pour nous afin que Dieu nous donne des occasions d’annoncer sa Parole, de proclamer le secret de son plan qui concerne le Christ. […] Demandez donc à Dieu que, par ma prédication, je puisse faire connaître clairement ce message comme il est de mon devoir de le faire.
Colossiens 4.3-4
Bouddhisme
La Bible et la première « Noble Vérité »
Voici, moines, la Vérité Noble dite dukkha. La naissance est dukkha, la vieillesse est aussi dukkha, la maladie est aussi dukkha, la mort est aussi dukkha, être uni à ce que l’on n’aime pas est dukkha, être séparé de ce que l’on aime est dukkha, ne pas obtenir ce que l’on désire est aussi dukkha. En résumé, les cinq agrégats d’attachement sont dukkha1.
Le premier constat de la vision du monde bouddhiste est l’existence et l’universalité de dukkha. Depuis la naissance et jusqu’à la mort, toute la vie humaine est touchée par cette souffrance, cette frustration, cette insatisfaction. Cette Vérité est comparable à ce que dit l’ecclésiaste : « Vanité des vanités, tout est vanité (Ec 1.2). »
Il y a dans le bouddhisme cette conscience que le monde n’est pas comme il devrait être, ou comme nous voudrions qu’il soit. Le dukkha est un problème. Le dukkha est ce qui ne va pas. Le désir de l’homme est d’échapper à, ou de mettre fin à l’expérience de dukkha. Ce constat de dukkha rejoint la vérité biblique que le monde que nous habitons est déchu. Effectivement, il y a de la souffrance, de la frustration, de l’insatisfaction, et les choses ne vont pas comme elles devraient. Ce n’est pas que ce problème touche à certains aspects de la vie ou du monde, mais cette corruption est universelle.
La Bible explique que ce dukkha est la conséquence de la séparation entre Dieu et l’homme à cause de la chute. Les humains et le monde entier souffrent de l’absence de Dieu. Ainsi, la Bible explique le problème de dukkha plus profondément que les sources bouddhistes. Quand Peter Harvey pose la question : « Est-ce que le bouddhisme est pessimiste en mettant l’emphase sur les aspects désagréables de la vie2 ? », la réponse de la Bible est à la foi « oui » et « non. » D’un côté, non, le concept bouddhiste du dukkha n’est pas assez pessimiste parce que le bouddhisme sous- estime le dukkha. Le bouddhisme ne voit pas les racines du dukkha dans le péché, et par conséquent, la solution proposée est inadéquate. De l’autre côté, oui, le concept bouddhiste du dukkha est trop pessimiste parce que l’on nie l’existence du Dieu qui est en dehors de l’univers, et qui n’est pas atteint par dukkha.
La différence dans le point de départ est révélatrice. La première vérité du bouddhisme est l’existence de dukkha, mais la Bible commence par le bon Dieu et sa bonne création. Le dukkha n’apparaît pas avant Genèse 3, et cela en tant qu’intrus, un élément étranger à cette bonne création. Ainsi, la Bible explique que le dukkha, bien que ce soit l’expérience de tout être humain, n’est pas naturel. Le bouddhisme, par contre, ne fait pas du dukkha une réalité non-naturelle puisqu’il fait partie des fils de trame de l’univers depuis l’éternité passée3.
La justice personnelle ou impersonnelle
Dans le bouddhisme, on parle de dukkha et non pas de péché. Ce langage reflète le fait qu’il n’y a pas de Suprême Juge dans la vision du monde bouddhiste, et les conséquences pour les actions humaines, qu’elles soient mauvaises ou bonnes, sont des conséquences mécaniques et impersonnelles. « Les résultats karmiques sont simplement considérés comme des résultats naturels, découlant d’une sorte de loi de la nature4. »
Cette conception des choses peut être attractive en évitant l’image désagréable d’un Dieu vengeur ainsi que certaines difficultés comme le problème du mal5. Mais le problème pour cette conception est le fait que la moralité et la justice sont intrinsèquement personnelles. Le fait de voler les affaires de son voisin n’est pas mauvais parce que les conséquences sont mauvaises ; le vol est mauvais parce que c’est une offense contre des personnes dont la plus importante est Dieu. Quand un ours tue un homme, c’est une tragédie, mais quand c’est un homme qui le fait, c’est un meurtre. Cette distinction qui est évidente pour les personnes faites à l’image de Dieu n’a pas de place dans la vision de monde bouddhiste où il n’y a pas de Dieu saint comme fondement de la réalité morale.
Alors le constat bouddhiste de dukkha reflète la réalité du monde déchu, mais tant que dukkha n’est pas compris comme étant essentiellement la séparation d’avec Dieu, ce concept est incomplet et erroné. La Bible rend compte du dukkha, explique son extranéité par rapport à la bonne création de Dieu, et l’approfondit par la mise en relief du péché qui le sous-tend. Ainsi, la doctrine biblique du péché incorpore et dépasse la doctrine du dukkha.
Traitée comme une esclave
Et elle dit: Oh! que je trouve grâce à tes yeux, mon seigneur! Car tu m’as consolée, et tu as parlé au coeur de ta servante (שִׁפְחָה - (f) esclave). Et pourtant je ne suis pas, moi, comme l’une de tes servantes (שִׁפְחָה)6.
Ruth 2.13
Ce verset met en relief la fosse énorme entre notre conception moderne de la servitude et la façon que cela a été compris dans le Proche Orient Ancien. Ruth se réjouit du fait que Booz la traite comme si elle était l’une de ses servantes, alors qu’elle ne l’est pas. Pour nous, c’est surprenant parce que nous voyons le statut de servante comme étant entièrement négatif, mais à l’époque c’était autrement. Comme le dit John Goldingay : « Dans le monde occidental, la liberté est une valeur ultime. Ce n'est pas le cas en Israël, où la question est de savoir qui vous servez (comme l'a dit Bob Dylan, tu “dois servir quelqu'un”), et une grande partie de votre importance vient de là7. » Le fait que Ruth soit libre envers Booz veut dire que lui aussi est libre envers elle. Elle n’est pas de sa responsabilité, et donc quand il s’occupe d’elle comme si elle était l’une de ses servantes, c’est une grâce pour laquelle elle est reconnaissante.
C’est nécessaire de reconnaître cette différence de perspective, non pas parce que nous voudrions y revenir, mais pour que nous puissions mieux comprendre les textes bibliques qui ont été écrits dans ce contexte. C’est le respect que nous devons à tout document historique, et encore plus à la Parole de Dieu.
Lectures
La plupart de ma lecture récente a été dans la dogmatique de Karl Barth puisque je suis en train d’écrire une petite évaluation de sa bibliologie pour l’un de mes cours de Master. J’avoue que j’ai peu d’appréciation pour Barth ; je trouve le style pénible et le fond problématique. Voici quand même une citation que j’ai sauvegardée parce que je l’aime :
Il existe une idée selon laquelle l'impartialité totale est la disposition la plus appropriée et même celle qui est normale pour une véritable exégèse, parce qu'elle garantit une absence totale de préjugés. Pendant une courte période, vers 1910, cette idée a menacé d'atteindre un statut presque canonique dans la théologie protestante. Aujourd'hui, nous pouvons la qualifier sereinement de comique8.
Oiseaux
Les martinets noirs que nous regardions depuis notre propre appartement nous ont émerveillés cette semaine. Voici un passionné des martinets qui raconte pleines de choses intéressantes à leur sujet :
~
Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car les premières choses ont disparu.
Apocalypse 21.4
Môhan Wijayaratna, trad., « Dhammacakkappavattana sutta (SN 56.11) », consulté le 28 mars 2025, en ligne, https://www.dhammadelaforet.org/sommaire/sutta_tipaka/txt/dhammacakkappavattana_mw.html, consulté le 28 mars 2025.
Peter Harvey, Buddhism and Monotheism, Cambridge Elements: Religion and Monotheism, Cambridge, Cambridge University Press, 2019, p. 13. « Is Buddhism ‘pessimistic’ in emphasizing the unpleasant aspects of life? »
Ibid., p. 31. « Abrahamic religions see ‘creation’ as ‘good’ (Genesis 1, vv.4, 10, 12, 21, 25, 31)–at least prior to the ‘fall’ generated by bad use of human free will. On the whole, Buddhism does not see the world as ‘good’, neither does it see it as ‘evil’; rather, it is problematic, imbued with dukkha. »
Ibid., p. 8. « Karmic results are seen simply as natural results, arising from a kind of law of nature. »
Par exemple : Steven Hagen, Buddhism Plain and Simple. The Practice of Being Aware Right Now, Every Day, New York, Tuttle, 2011, p. 97–99; Peter Harvey, op. cit., p. 54–56.
Pour savoir plus sur le mot שִׁפְחָה (Shiphkhah), voir quelques versets où le mot est utilisé.
John Goldingay, Old Testament Theology: Israel’s Life, Downers Grove IL, InterVarsity Press, 2009, Vol. 3 p. 460. “In the Western world, freedom is an ultimate value. This is not so in Israel, where the issue is whom you are serving (as Bob Dylan put it, you ‘gotta serve somebody’), and much of your significance comes from here.”
Karl Barth et al., Church Dogmatics: The Doctrine of the Word of God, Part 2, T&T Clark, 2004, §19, p. 469.