Des affirmations extraordinaires nécessitent des preuves extraordinaires ?
Cette règle de la connaissance est souvent répétée par des athées comme une arme de choix contre toute affirmation d’une intervention miraculeuse de Dieu. Ils la présentent comme si c’est du sens commun : si je vous dit que j’ai un chien, vous êtes probablement prêts à me croire sur parole. C’est une affirmation ordinaire. Si je dit que j’ai un tigre, vous allez douter un peu si je n’ai pas de preuves parce que ça, ça sort de l’ordinaire. Et si enfin je dit que mon animal de compagnie, c’est un dragon, voilà une affirmation extraordinaire que vous n’allez pas croire sans des preuves vraiment extraordinaires.
Ainsi on établit cette règle, et puis si c’est suggéré que Jésus a été ressuscité d’entre les morts, on vous informe que là nous avons une affirmation extraordinaire qui va nécessiter des preuves extraordinaires. Bien sur, quelque soient les preuves apportées, elles ne seront jamais assez extraordinaires.
Le problème n’est pas les preuves, le problème est la règle qui souffre d’au moins deux faiblesses fatales. Ce n’est pas vrai que des affirmation extraordinaires nécessitent des preuves extraordinaires.
(1) Cette règle n’est pas un bon guide dans la vraie vie. Si nous la suivait soigneusement, nous serions sujets aux doutes déraisonnables, et au même temps nous croirions des mensonges dangereux. Les affirmations qu’a fait l’arnaqueur au téléphone étaient parfaitement ordinaires, mais j’ai bien fait de les douter. Par contre, imaginons que je suis allé jouer au golfe tout seul un jour, et il m’arrive à un moment donné de faire entrer le ballon dans le trou avec un seul coup (un “Hole in one”). C’est extraordinaire pour les meilleurs golfeurs ; pour moi ça frôlerait le miraculeux. Personne ne l’a vu sauf moi, et je n’ai aucune preuve à offrir sauf ma parole. Alors, si je le raconte à ma femme ou à mes amis, seront-ils obligés de ne pas me croire parce que je fais une affirmation extraordinaire sans des preuves extraordinaires ?
Ce que ces deux exemples montrent est que la fiabilité du témoin est beaucoup plus important pour la fiabilité des affirmations qu’une mesure de combien elles sont extraordinaires.
(2) Plus important encore est le fait qu’il n’y a aucune mesure objective par laquelle on peut designer une affirmation comme ordinaire ou extraordinaire. Ce qui est considéré comme extraordinaire dépend de la vision du monde de la personne qui évalue et des présupposés qu'elle qui fournit la grille d’évaluation. Par exemple, considérons le cas de l’affirmation chrétienne que Jésus et mort sur la croix et ressuscité le troisième jour. Pour un athée, l'affirmation de la mort de Jésus est ordinaire, tandis que l'affirmation de sa résurrection est extraordinaire. Mais pour un musulman, l'affirmation de la résurrection n'est pas intrinsèquement extraordinaire (Q 3.49 Jésus ressuscite les morts), mais l'affirmation que Dieu laisserait mourir son prophète d’une façon aussi brutale et honteuse, cela est inconcevable.
C’est clair que l’objection du musulman dépend d’une certaine conception de Dieu, mais c’est tout à fait pareil pour l’athée. Il considère une résurrection comme extraordinaire seulement parce qu’il présuppose la non-existence de Dieu et l’impossibilité des miracles. Ce n’est pas une qualité objective de l’affirmation que la rend extraordinaire pour l’athée, mais le fait qu’elle n’a pas de place dans sa vision du monde. Ce que nous savions déjà…