Frédéric Lenoir, Comment Jésus est devenu Dieu :
[Constantin] a cependant tôt fait de réaliser que les divisions des chrétiens sur la nature de Jésus minent son projet. Il est impératif que les disciples du Christ s'accordent entre eux sur cette question cruciale. C'est donc pour des raisons éminemment politiques qu'il convoque à Nicée, en 325, un concile réunissant toutes les autorités religieuses chrétiennes disséminées sur son vaste empire et même en dehors de celui-ci. Il les conjure de se mettre d'accord sur le point essentiel qui les divise depuis deux siècles : qui est Jésus ? Un homme choisi par Dieu, voire élevé au rang divin par le Père, ou Dieu lui-même fait homme ?
Il faudra encore plus d'un siècle de disputes et de polémiques terribles, trois nouveaux conciles, et toujours la même implacable volonté des successeurs de Constantin de contraindre les théologiens chrétiens à s'accorder, pour qu'un consensus finisse par s'établir parmi une très large majorité, instaurant le dogme chrétien fondamental entre tous : la théologie trinitaire. Dieu est à la fois un et trois : le Père, le Fils et l'Esprit. Le Fils (ou Logos) possède une double nature, divine et humaine, Jésus étant l'incarnation humaine du Logos divin. Jésus est donc considéré comme Vrai Dieu et vrai homme, engendré et non pas créé, de même substance (ousia) que le Père. Cette formulation théologique complexe devient la base de la foi chrétienne et l'est toujours, quelles que soient les Eglises : catholiques, orthodoxes ou protestantes1.
Lenoir est quelque peu malhonnête ici. Il parle de « trois nouveaux conciles » et « plus d’un siècle de disputes et de polémiques terribles » entre 325 et 451 alors qu’il sait bien que la question dont il parle a bel et bien été réglée à Nicée en 325. La formule qu’il cite comme conclusion à tous ces débats n’est rien autre que le symbole de Nicée :
Je crois en un seul Seigneur, Jésus-Christ, le Fils unique de Dieu, né du Père avant tous les siècles ; il est Dieu, né de Dieu, lumière, née de la lumière, vrai Dieu, né du vrai Dieu. Engendré, non pas créé, consubstantiel au Père, et par lui tout a été fait. Pour nous les hommes, et pour notre salut, il descendit du ciel ; par l'Esprit-Saint, il a pris chair de la Vierge Marie, et s'est fait homme.
C’était a Nicée que le débat a eu lieu sur la pleine divinité de Jésus, parce que le prêtre Arius enseignait que le Fils était un dieu moindre, créé par le Père. Sa perspective a été fermement rejeté à Nicée, et la formule de foi adopté par le concile insiste que Jésus est « vrai Dieu de vrai Dieu, » « engendré, non pas créé, » et « consubstantiel au Père. » Seul deux évêques parmi les 200-250 rassemblés ont refusé cette formulation.
Les débats ultérieurs et les conciles conséquents (Constantinople 381, Éphèse 431, Chalcédoine 451) concernaient l’articulation precise entre la divinité et l’humanité de Christ, mais il n’étaient plus question si Jésus était Dieu, seulement comment il pouvait être Dieu et homme à la fois.
Lenoir, Frédéric. Comment Jésus est devenu Dieu. Paris: Fayard, 2010, p. 12-13.