J’ai eu une discussion cette semaine avec un ami sur le sujet des expériences spirituelles dans le contexte d’autres religions. Mon ami vient de lire le témoignage d’un homme qui s’est converti à l’islam soufi parce qu’il a été convaincu d’avoir expérimenté Dieu à travers les pratiques soufies. La question qu’on s’est posée donc est comment nous les chrétiens devrions rendre compte de telles expériences. Voici quelques fruits de notre réflexion :
(1) Parfois on confond une expérience non-spirituelle avec une expérience véritablement spirituelle. Cela se passe même dans l’Église. On peut s’imaginer transporté par des anges alors que c’est simplement la musique qui fait vibrer notre nature charnelle.
(2) Les expériences, en générale, ne s’interprètent pas eux-mêmes. Quand on sent quelque chose ou on assiste à une scène qui semble dépasser le naturel, on va chercher une explication dans la compréhension que l’on a déjà du monde. Quand Paul guérit un boiteux à Lystre la foule les prend pour Zeus et Hermès, et à Malte quand Paul n’est pas blessé par le venin de la vipère, les gens concluent que lui-même est un dieu.
(3) Il y a des puissances spirituelles autre que Dieu qui ont pour but d’égarer les gens. En tant qu’occidentaux, je pense que c’est cet aspect que nous avons tendance à oublier. Nous avons hérité des « Lumières » une conception du monde qui est matérialiste et mécanique. Nous considérons que le monde fonctionne automatiquement selon les lois de la nature avec peut-être des rarissimes interventions de la part de Dieu. Ce n’est pas cela la conception du monde de la plupart des humains qui ont vécu sur cette terre, et ce n’est pas l’approche des auteurs de la Bible non plus. Si l’activité des être sur-naturels nous semble bizarre, ça s’explique peut-être par une stratégie des puissance ténébreuses comme imaginé par C.S. Lewis dans une lettre entre deux démons :
Je m'étonne que vous me demandiez s'il est essentiel de maintenir le patient dans l'ignorance de votre propre existence. Cette question, au moins pour la phase actuelle de la guerre, a été résolue pour nous par le Haut Commandement. Notre politique, pour le moment, est de nous cacher. Bien sûr, il n'en a pas toujours été ainsi. [...] Je ne pense pas que vous aurez beaucoup de difficultés à maintenir le patient dans l'ignorance. Le fait que les « diables » soient surtout des figures comiques dans l'imaginaire moderne vous aidera. Si le moindre soupçon de votre existence commence à naître dans son esprit, suggérez-lui l'image d'une chose en collants rouges et persuadez-le que, puisqu'il ne peut pas croire à cela (c'est une vieille méthode de manuel pour les confondre), il ne peut donc pas croire en vous1.
Les auteurs biblique parlent ouvertement de l’activité de démons et d’esprits mauvais, ce qui n’est pas toujours reconnu comme ce que c’est. La magie pratiqué par Simon le Magicien a été attribué à Dieu par les samaritains (Ac 8.9-12), et Satan lui-même se déguise en ange de lumière selon Paul (2 Co 11.14). Nous ne devons donc pas nous étonner s’il y a des expériences sur-naturelles en dehors du christianisme. C’est exactement ce qu’une vision du monde biblique prévoirait.
Ensuite, la question peut se poser comment il faut en parler. Ce n’est pas peut-être la meilleure approche de répondre automatiquement à toute affirmation d’une expérience surnaturelle avec : « C’était un démon ! » Pour ma part, je ne prétends pas savoir d’où vient le coran par exemple. Je me contente d’argumenter à partir du texte que nous avons que ce n’est pas une révélation de Dieu. Ainsi on reste sur un terrain objectif où on peut avoir une vraie discussion.
Lewis, C. S. The Screwtape Letters. New York: HarperCollins Publishers, 2010, p. 31.