Cette semaine j’ai reçu un appel d’un homme qui voulait m’avertir qu’il y eu des transactions suspectes sur mon compte. Il voulait donc m’aider à sécuriser ce compte contre la fraude. Bien sûr j’étais méfiant dès le début, mais le fait qu’il savait mon nom et mon numéro de compte donnait un air de plausibilité. Mais comme la discussion continuait, j’ai pu reconnaître son insistance qu’il fallait agir immédiatement comme une tactique des arnaqueurs, et quand sa proposition pour la sécurisation de mon compte nécessitait que je fasse un virement vers un IBAN qu’il m’allait donner… « Dieu voit ce que vous faites, » je lui ai dit et c’était la fin de la conversation.
Cette expérience souligne combien la foi est un aspect profond de la nature humaine. Selon Geerhardus Vos, la foi est « l’acceptation d’une proposition comme vraie par laquelle nous ne nous reposons pas sur nous-mêmes mais sur le témoignage d'autrui. » Par le dessein de Dieu, nous les êtres-humains sommes disposés à croire les uns les autres. Si je parle avec un inconnu dans le bus qui me dit son nom, sa profession, le nombre de ses enfants, etc., ma réponse naturelle est d’accepter ce qu’il dit comme vrai. Moi, j’ai pu échapper à cette tentative d’escroquerie, mais s’il l’a tenté, c’est parce que ça réussit bien trop souvent. Malgré l’étrangeté de la procédure proposée pour « sécuriser le compte, » le fait que nous croyons naturellement ce qu’on lui dit fait en sorte que les gens soient trompés.
Je ne veut pas dire que cette disposition à croire est une mauvaise chose. Ce qui est mauvais et la méchanceté des hommes qui abusent la confiance des autres, et cette méchanceté rend nécessaire que notre foi soit accompagné de discernement. Mais la foi en elle-même est non seulement belle mais aussi absolument nécessaire pour l’existence humaine. Vos continue :
Avec un peu de réflexion, on se rendra compte que toute notre société humaine, toute la communion spirituelle avec les autres et, de loin, la plus grande partie de notre pensée et de notre action reposent sur la foi. La foi est la chaîne et la trame du tissu de la vie humaine. Sans la foi, personne ne peut exister dans la société. La vie est un vaste océan dont seule une petite partie se trouve à notre portée, et cette petite partie est presque sans cesse imprégnée de ce que nous ne pouvons savoir que par la foi. […] La coopération avec les autres serait totalement impossible si Dieu ne nous avait pas donné la capacité d'accepter comme vrai le témoignage d'autrui et de nous y fier, s'Il n'avait pas tellement limité la tromperie inhérente à la nature de tous les hommes, du moins dans son aspect extérieur, qu'une réalité corresponde à cette foi. Même si notre confiance est souvent déçue, sans la foi nous ne pouvons pas vivre, et chaque jour nous faisons plus ou moins confiance à la plupart des personnes avec lesquelles nous sommes en contact1.
À mon avis, ces observations de Vos explose la mythe que nous pouvons nous en passer de la foi pour ne plus penser que ce que nous vérifions empiriquement. Nous sommes dépendants les uns les autres pour avoir une conception minimale du monde réel, et si nous sommes contraints de croire les uns les autres, devons-nous considérer que c’est étrange si Dieu s’attend à ce que nous exercions cette foi envers lui aussi ?
Vos, Geerhardus. Reformed Dogmatics. Edited & translated by Richard B. Gaffin Jr., vol. 4, Lexham Press, 2012–2016, p. 89.