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« Faith is believing what you know ain't so1. » Ainsi la définition donnée par un personnage de Mark Twain. Cela est bien une façon de comprendre la relation entre la foi et la raison : la raison donne les savoirs et la foi les ignore. C’est sûr que certains athées voient les choses précisément de cette manière, mais est-ce la meilleure option ? N’y a-t-il pas une autre manière de formuler l’articulation entre les deux, une manière plus respectueuse de la foi qui donne à chaque faculté sa juste valeur ? C’est Dieu qui est l’auteur et de la raison, et de la foi, et il nous donne toutes les deux pour que nous en profitions. Normalement les deux doivent être compatibles, et c’est bien le cas. Dans cette séries d’articles, nous verrons tour à tour :
La raison
Foi et raison : la portée pour la théologie
La Raison
Pour « raison », l’Académie française donne : « Faculté intellectuelle par laquelle l'homme connaît, juge et se conduit2, » définition qui par son manque de précision souligne la difficulté de mettre les mots sur ce concept qui est toutefois assez familier à nous tous. Il y a deux choses nécessaires à relever chez la raison pour comprendre sa relation avec la foi. Premièrement, bien que la raison soit une faculté « par laquelle l’homme connaît, » elle n’est pas une source de connaissances, mais plutôt un outil d’analyse. La raison est capable de tirer des conclusions qui suivent logiquement une collection de données, mais les données doivent être fournies par d’autres facultés. Si nous savons que tous les hommes sont mortels et que Socrate est un homme, nous pouvons conclure, grâce à la raison, que Socrate est mortel. Mais cette déclaration de la raison dépend des deux prémisses qui dépendent à leur tour des informations que nous aurions dû acquérir par l’expérience ou par le témoignage des autres. Alors, quand nous disons que nous savons quelque chose « par la raison », c’est déjà un raccourci, parce que la raison n’opère jamais seule, mais toujours avec d’autres facultés.
Deuxièmement, comme la raison est une faculté humaine, elle est donc susceptible de l’erreur et de la corruption. Il n’est pas possible donc, de faire de la raison humaine un standard absolu de ce qui est vrai et ce qui est faux. Elle a toujours la possibilité de se tromper, et s’il y a un conflit entre la raison et une autre source d’information, c’est une possibilité qui doit être prise au sérieux.
La capacité de la raison dans le domaine de la théologie
C’est bien noté que l’application de la raison humaine a produit une somme de connaissances bouleversante. Le succès que notre race a eu de percer des mystères aussi profonds que la structure des atomes ou la séquence du génome humain, a parfois mener quelques-uns à imaginer que la raison humaine était sans limite. Étant donné assez de temps, nous prétendons pouvoir résoudre tout problème et comprendre tout phénomène de l’univers.
Cet optimisme est mal fondé. La raison humaine n’est pas capable de tout, et la question de ses limites est un aspect essentiel de la question de la relation entre la raison et la foi dans le domaine de la théologie. Cette question est considérée par l’apôtre Paul dans 1 Corinthiens 1 et Romains 1.
En effet, le message de la croix est une folie pour ceux qui périssent, mais pour nous qui sommes sauvés, il est la puissance de Dieu. Du reste, il est écrit : Je ferai disparaître la sagesse des sages et j’anéantirai l’intelligence des intelligents. Où est le sage ? Où est le spécialiste de la loi ? Où est le discoureur de l’ère actuelle ? Dieu n’a-t-il pas convaincu de folie la sagesse de ce monde ? Puisque à travers cette sagesse le monde n’a pas connu Dieu en voyant sa sagesse, il a plu à Dieu de sauver les croyants à travers la folie de la prédication. Les Juifs demandent un signe miraculeux et les Grecs recherchent la sagesse. Or nous, nous prêchons un Messie crucifié, scandale pour les Juifs et folie pour les non-Juifs, mais puissance de Dieu et sagesse de Dieu pour ceux qui sont appelés, qu’ils soient juifs ou non. En effet, la folie de Dieu est plus sage que les hommes et la faiblesse de Dieu est plus forte que les hommes. (1 Co 1.18-25)
Comme le but de la théologie est la connaissance de Dieu, une sagesse humaine à travers laquelle « le monde n’a pas connu Dieu » se voit sévèrement limitée. Dans les yeux de Dieu, la sagesse du monde est convaincue de folie, et elle est rejetée comme moyen de salut en faveur de « la folie de la prédication. »
Ce texte rejoint les paroles de Jésus : « Je te suis reconnaissant, Père, Seigneur du ciel et de la terre, de ce que tu as caché ces choses aux sages et aux intelligents et les as révélées aux enfants » (Mt 11.25). Dans ces textes, il est évident que la connaissance de Dieu vient effectivement par la révélation du Père et non pas par les sciences humaines.
En Romains 1, la possibilité d’acquérir une connaissance salvifique de Dieu est toujours niée à la raison humaine, mais cela n’implique pas qu’elle ne peut rien découvrir de Dieu.
La colère de Dieu se révèle du ciel contre toute impiété et toute injustice des hommes qui par leur injustice tiennent la vérité prisonnière, car ce qu’on peut connaître de Dieu est évident pour eux, puisque Dieu le leur a fait connaître. En effet, les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité, se voient depuis la création du monde, elles se comprennent par ce qu’il a fait. Ils sont donc inexcusables, puisque tout en connaissant Dieu, ils ne lui ont pas donné la gloire qu’il méritait en tant que Dieu et ne lui ont pas montré de reconnaissance; au contraire, ils se sont égarés dans leurs raisonnements et leur cœur sans intelligence a été plongé dans les ténèbres. (Ro 1.18-21)
Paul affirme non seulement que les hommes peuvent acquérir une certaine connaissance de Dieu à travers la création, mais aussi que les hommes voient ces choses effectivement, et ils sont inexcusables par faute d’avoir tenu ces vérités prisonnières. C’est « tout en connaissant Dieu » qu’ils ont péché parce qu’ils ne l’ont pas glorifié ; ce qu’ils ont compris du Créateur par ses œuvres, ils l’ont étouffé ou corrompu, et ainsi « ils se sont égarés dans leurs raisonnements. »
Et la raison pour laquelle la raison humaine n’atteint pas une saine connaissance de Dieu n’est pas sa faiblesse mais sa corruption. L’homme en rébellion contre son Créateur ne veut pas connaître Dieu, et donc il emploie instinctivement sa raison non pas pour découvrir la vérité, mais pour l’obscurcir. C’est dans ses « raisonnements3 » que l’homme s’égare (v. 21), s’aveuglant lui-même pour ne pas voir le Dieu révélé par tout l’univers.
M. Twain, Following the Equator: A Journey Around the World, Harper & Bros, 1899, p.132. « La foi, c’est de croire ce que tu sais n’est pas vrai. »
διαλογισμος. « calcul, raisonnement, conversation » selon A. Bailly, Dictionnaire Grec Français, Paris, Hachette, 1950, p. 478. Cf. Lc 5.22, 1 Co 3.20.